Dans le monde des arts martiaux traditionnels, existe une légende : c’est la croyance en l’existance d’un style parfait, supérieur à tous les autres. Un style si raffiné et si efficace que l’on puisse suivre son maître les yeux fermés jusqu’à la mort, comme un oisillon confiant attendant la becquée. D’où vient cet espoir, ou plus gravement cette illusion, que la pratique des arts martiaux ne requièrt aucune recherche, ni aucune expérimentation.
Entre les élèves crédules qui adulent un maître, ayant reçut l’initiation suprême qui permettrait de trouver le paradis des arts martiaux, aussi facilement qu’une aiguille dans un meule de foin. Et des maîtres sûrs de leurs compétences, parce qu’héritier d’une tradition millénaire et pure, descendant en droite ligne du fondateur reconnu de tous. Il existe, n’en doutons pas, un juste milieu.
Ce milieu, cet équilibre n’est-ce pas au fond de nous ce que nous recherchons à travers notre pratique ? Bien avant nous, nombre de pratiquants émérites, se sont déjà posés ces questions, parcourant le long chemin du doute et de l’insatisfaction ... Certains n’hésitant pas à réformer les modes de leurs époque. Et c’est ainsi qu’avant d’être ce que nous connaissons aujourd’hui, les styles d’arts martiaux ont subit de longues et tortueuses évolutions (ou involutions), à l’image de la nature humaine.
Après tout, un style n’est que la manière de combattre d’un maître donné. Chacun ayant des capacités et des aspirations différente des autres hommes. On dit que le Général Chi Chi-kuang aurait conçut l’ancêtre de Taijiquan, en extrayant les meilleures techniques de 16 styles de combat différents. Qu’ensuite un paysan nommé Wang Cheng-nan contribua à lui donner une dimension d’art interne. Et que l’érudit Chang Nai-chou formalisa la théorie et les classiques du taijiquan. Tout ça transita par le village de la famille Cheng qui le garda jalousement quelques générations dans la famille, avant de le transmettre fortuitement à la famille Yang, qui le popularisa jusqu’à nos jours.
Et que dire des Maîtres qui apprirent des dizaines de formes avant de découvrir que tout ça ne leur convenait pas, et de créer un style "sans forme". Ceux qui créèrent un nouveau style en révèlant simplement les secrets de leur école, car plus en accord avec leur philosophie du moment. On dit que certains anciens maîtres d’Okinawa té, enseignaient autant de variantes de leurs style qu’ils avaient d’élèves. Car ils pensaient que leurs élèves devaient pratiquer un style qui convenait à leurs personnalitées.
Comme nous pouvons nous en rendre compte, si nous recherchons la sincérité et l’efficacité dans notre pratique il n’est pas utile de copier où de recopier ce qui n’est peut-être pas fait pour nous.
Bien sûr, il existe des styles et des pratiques mieux ou moins bien que d’autres mais ne restez pas bloqué sur l’aspect extérieur et formel des arts de combat : cherchez et expérimentez ce qui est bon pour vous. On ne peut prétendre à refaire le monde des arts de combat, là où des générations de pratiquants ont suées sang et eau, pour découvrir certaines techniques exceptionnelles.
Il est nécessaire de se former auprès d’un maître compétent, et d’avoir de la discipline et de la persévérance dans l’entrainement. Mais à quoi me sert de vouloir imiter une bonne technique si "moi", à mon niveau, je ne peux la rendre efficace et si ça ne marche pas pour moi !
Peut-être cela marchera-t-il pour un autre, tant mieux pour lui ... Un style, aprés tout, n’est que la manière de combattre d’un maître, sa signature. Allez-vous rédiger vos chèques banquaires avec la signature de votre maître ?
Comme disait un de mes professeurs :
"Un mauvais élève sera toujours un mauvais élève, même avec un bon professeur. Un bon élève sera toujours un bon élève, mème avec un mauvais professeur."